Le sang d'un peintre

Publié le : 1 février 2014 à 23h41

Quelques réflexions autour du blocage artistique

 

Kiki la petite sorcière

Hayao Miyazaki, Kiki la petite sorcière

 

Tout peintre, à un moment donné de sa vie artistique, est englouti dans le trou noir du manque d’inspiration.  On vit le sentiment presque désespérant du vide. Sans motivation, sans idées, on se sent stérile. On s’arrête net devant une impasse qui oblige l’artiste à se remettre en question. Lorsque la source est tarie, il est inutile d’y puiser ultérieurement : le moment est venu de sortir des chemins battus.

Souvent, le blocage artistique coïncide avec une pause de réflexion qui précède un changement important. Pendant de longues périodes, insatisfait de ce que je produisais, j’ai dû abandonner temporairement la peinture pour m’interroger sur mon art. Mes tableaux exprimaient-ils vraiment une vision personnelle, ou bien je ne faisais que reproduire des modèles que j’avais intégrés ? Aurais-je osé me définir peintre ? Etais-je un artiste ? Plus encore que le regard et l’agrément du public, c’était ma conscience qui devait me le dire – question d’honnêteté intellectuelle vis-à-vis de soi-même…

Si, après cette nuit noire, j’ai pu me réconcilier avec la peinture, c’est peut-être car je l’avais dans le sang. Comme une passion, dans le sens double d’amour et de souffrance. Car le cheminement artistique est un parcours du combattant à la recherche de son propre style.

Par ses images de rêve, Jean Cocteau a représenté cette douleur étrange qui accompagne la création artistique dans Le sang d’un poète. Pourtant, c’est un film d’animation (moins intellectuel et élégant, certes, mais en quelque sorte plus poignant et direct dans son énonciation) qui mieux décrit pour moi cette condition – la perte de ses repères, l’égarement, l’art retrouvé :

 « J’aimais tant peindre que je m’en voulais de dormir. Et puis, un jour, je n’y suis plus arrivée. J’avais beau peindre, ça ne me plaisait pas. J’ai compris que n’avais fait qu’imiter tel ou tel… des toiles vues quelque part… Il me fallait peindre à ma manière. »

« Ce fut difficile ? »

« C’est toujours aussi dur maintenant. Mais, après cela, je crois que j’ai mieux compris ce qu’était la peinture. La magie, ce n’est pas dire des formules. »

« On dit qu’on a ça dans le sang. »

« Du sang de sorcière ? Ça me plaît, cette idée. Du sang de sorcière, du sang de peintre, du sang de boulanger… C’est un pouvoir qui nous est donné par un dieu ou qui sais-je, même si ça nous donne des soucis. »

Hayao Miyazaki, Kiki la petite sorcière (d’après le dialogue entre la jeune artiste peintre Ursula et Kiki, petite sorcière venant de perdre temporairement ses pouvoirs)

 

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